Filière Nucléaire : Le CPN réaffirme son rôle clé dans la réindustrialisation française
La réindustrialisation reste une priorité absolue pour la France. En octobre 2021, le chef de l’État lançait le plan France 2030 afin de rattraper le retard industriel du pays. Pourtant, le dernier Baromètre de l’industrie, publié le 13 mars 2025, montre un ralentissement : 89 ouvertures et extensions d’usines en 2024, contre 176 en 2022 et 189 en 2023. Ce ralentissement varie selon les régions : l’Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine enregistrent respectivement 32 et 24 ouvertures, tandis que le Nord-Pas-de-Calais et le Grand Est ont un bilan négatif.1
Pourquoi le nucléaire est si stratégique en France ?
Au cœur de la stratégie de réindustrialisation, la filière nucléaire occupe une place centrale. Première source de production et de consommation d'électricité en France, elle repose sur un parc de 57 réacteurs de puissances variées. Cette industrie représente à elle seule 6,7 % de l’emploi industriel français, avec 220 000 salariés et 3 200 entreprises, allant des TPE aux grandes PME, spécialisées dans des métiers essentiels comme la maintenance, la chaudronnerie ou encore l’assainissement. L’un des objectifs de France 2030 est de favoriser l’émergence des petits réacteurs modulaires (SMR) d’ici 2035 et de soutenir les innovations de rupture dans la filière.
Aujourd’hui, le nucléaire demeure l’énergie la moins émettrice de CO2 par kWh produit, en faisant un allié incontournable de la transition énergétique. Une étude de l’Institut Économique Molinari, publiée en février 2025, souligne cet impact : « Depuis près d’un demi-siècle, le remplacement des énergies fossiles par le nucléaire a permis d’éviter l’émission de l’équivalent d’environ 28 années des émissions totales de CO2 de la France en 2023, pour le plus grand bénéfice du climat. »
Dans une perspective de long terme, l’abandon progressif des énergies fossiles en faveur d’une électricité décarbonée passera inévitablement par le nucléaire. Mais pour répondre à cette demande croissante, la filière doit se renforcer et recruter massivement. Sébastien Martin, président du Grand Chalon, rappelle : « Relancer le nucléaire, ce n’est pas seulement construire des EPR. C’est aussi structurer des écosystèmes industriels et humains autour de ces projets, mobiliser les savoir-faire et les compétences présentes dans nos territoires. » L’État, EDF, les donneurs d’ordre et les territoires doivent donc coordonner leurs efforts pour accélérer cette relance.
C’est dans cette optique que le décret n°2008-378 a instauré le Conseil de Politique Nucléaire (CPN), présidé par le Président de la République.
Le Conseil de Politique Nucléaire (CPN)
Pour piloter cette relance et garantir une stratégie cohérente à l’échelle nationale, la gouvernance du nucléaire repose sur un organe clé : le CPN.
Il rassemble des acteurs stratégiques, parmi lesquels :
- Le Premier ministre
- Le ministre chargé de l’Énergie
- Le ministre des Affaires étrangères
- Le ministre de l’Économie
- Le ministre de l’Industrie
- Le ministre du Commerce extérieur
- Le ministre de la Recherche
- Le ministre de la Défense
- Le ministre du Budget
- Le chef d’état-major des armées
- Le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale
- L’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique
D’autres membres du gouvernement, hauts fonctionnaires civils ou militaires, ainsi que des représentants des principales institutions du secteur (ASN, CEA, EDF, Orano, Framatome, Andra) peuvent être invités selon les sujets abordés.
Sa mission : définir et garantir l’application des grandes orientations de la politique nucléaire française.
Lors de la réunion du 17 mars 2025, le Président de la République a réuni le CPN pour faire le point sur l’avancement du programme ERP2, qui prévoit la construction de six réacteurs de génération 3 à Penly, Gravelines et Bugey, avec une mise en service d’ici 2038.2
Le CPN a ainsi validé plusieurs décisions majeures :
- La poursuite du programme ERP2, avec notamment le projet « aval du futur » mené par Orano sur le site de La Hague, concernant l’entreposage des combustibles usés dans une nouvelle piscine.
- L’intégration de cette relance dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE3), qui fixe les grandes orientations de la transition énergétique aux côtés de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC).3
- La mise en place d’un prêt d’État bonifié pour couvrir une partie des coûts de construction.
- L’invitation d’EDF à présenter, d’ici fin 2025, une proposition chiffrée engageante sur les coûts et les délais du programme.
- Le rappel que la décision finale d’investissement d’EDF sera prise en 2026.
Cette structuration rigoureuse permet à la France de sécuriser son indépendance énergétique et de préserver sa maîtrise industrielle dans le domaine nucléaire.
Un secteur à moderniser pour gagner en efficacité
La filière nucléaire repose sur des normes exigeantes et des impératifs de sécurité absolus. Toutefois, certains processus internes doivent évoluer pour répondre aux enjeux actuels.
L’un des défis majeurs est d’accélérer la production tout en modernisant les pratiques. Trop d’entreprises fonctionnent encore avec des processus obsolètes, utilisant des solutions papier difficiles à tracer. Cette inertie freine la compétitivité face à des géants comme les États-Unis et la Chine.
L’exemple du retard de 12 ans de l’EPR de Flamanville illustre bien ces failles. En 2008, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) avait stoppé les travaux en raison de non-conformités et exigé qu’EDF renforce ses contrôles internes, quel que soit le rang des prestataires. Une traçabilité rigoureuse des informations est donc essentielle, depuis la collecte des données sur le terrain jusqu’à la maintenance des installations.
Le fonctionnement en entreprise étendue dans la filière nucléaire (voir article Le numérique au centre de l’entreprise étendue) impose une coordination optimale. Des solutions comme olome Connected Industry© permettent de gérer efficacement les sous-traitants et de sécuriser la transmission des informations grâce à une gestion agile des autorisations et habilitations. Elles garantissent également une continuité numérique et un suivi précis du cycle de vie des équipements.
Autre enjeu stratégique : la gestion des compétences des employés du secteur nucléaire. Face à l’urgence du recrutement, il est primordial d’assurer la qualification et l’habilitation des travailleurs. Des outils comme olome People - RH facilitent la constitution des équipes en fonction des contraintes opérationnelles, optimisant ainsi la gestion des ressources humaines et l’identification des besoins en formation.
L’amélioration continue est essentielle pour renforcer la compétitivité de la filière. En modernisant les processus et en cassant certaines habitudes inefficaces, la France se donne les moyens d’accroître son efficacité et de pérenniser son leadership dans le nucléaire.
Conclusion
La filière nucléaire est plus que jamais un enjeu stratégique pour l’industrie française, alliant souveraineté énergétique, compétitivité et transition écologique. Sa relance repose sur une montée en puissance maîtrisée, nécessitant une coordination efficace entre l’État, les industriels et les territoires. L’accélération du programme nucléaire ne peut se faire sans une structuration solide de la filière, une modernisation des processus et une gestion optimisée des compétences.
Si l’urgence est d’abord d’assurer la réussite de cette relance, il est également essentiel d’anticiper les prochaines étapes. La montée en puissance du nucléaire soulève des questions sur l’optimisation de cette production d’électricité sur le long terme. Il s’agira non seulement de garantir un déploiement efficace, mais aussi de préparer les usages futurs pour maximiser les bénéfices de cette énergie sur le territoire national.
1 Réunion du 4ème Conseil de politique nucléaire - 17 mars 2025
3 Baromètre industriel de l'État 2024 - Direction Générale des Entreprises -13 mars 2025